La réception des travaux et la livraison d’un immeuble à construire sont deux notions juridiques différentes, qui ne concernent pas les mêmes intervenants et entraînent des conséquences juridiques distinctes. Elles ne doivent donc pas être confondues.
La réception des travaux intéresse les rapports entre le maître d’ouvrage et les constructeurs.
L’article 1792-6 du Code Civil définit la réception des travaux comme :
« l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement.
Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement ».
Lors des opérations de réception, le maître d’ouvrage va ainsi vérifier si les travaux exécutés par l’entreprise correspondent ou non à la prestation commandée.
Si la réception des travaux intervient classiquement à l’achèvement des travaux, il ne s’agit toutefois pas d’une condition nécessaire de la réception (Civ. 3e, 30 oct. 1991, RDI 1992. 518 ; 11 févr. 1998, no 96-13.142, Bull. civ. III, no 28). La jurisprudence considère, en effet, que pour que la réception soit prononcée, il suffit que l’ouvrage soit en état d’être reçu (Civ. 3e, 30 juin 1993, RD imm. 1993. 511), c’est-à-dire « habitable » (Civ. 3e, 30 oct. 1991, RD imm. 1992. 518), ou encore « pour l’essentiel » réalisé (Civ. 3e, 4 avr. 2001, n° 99-17.142).
Cependant, la réception peut également être admise lorsque le marché n’a pas été mené à son terme par l’entreprise, notamment en cas de résiliation, à condition, tout de même, pour les parties de dresser un état contradictoire des travaux (Civ. 3e, 24 juin 1992, no 90-19.493, Bull. civ. III, no 217).
Il en va de même en cas d’abandon du chantier par l’entreprise, l’acte faisant l’inventaire des travaux exécutés pouvant valoir réception tacite (Civ. 3e, 17 juill. 1997, BPIM 6/97, no 386 ; 11 févr. 1998, no 96-13.142, Bull. civ. III, no 28).
En pratique, en pareille hypothèse, il est conseillé au maître d’ouvrage de faire dresser ce constat par Huissier de Justice, en convoquant au préalable l’entreprise, par courrier recommandé avec avis de réception, d’avoir à assister à ce constat, puis de lui adresser, également par courrier recommandé avec avis de réception, le procès-verbal de constat établi.
Aucun texte ne prévoit expressément l’établissement d’un écrit entre les parties. Toutefois, en pratique, la réception des travaux est constatée par un procès-verbal de réception, permettant de consigner par écrit les réserves formulées par le maître d’ouvrage.
On parle alors de réception expresse, c’est-à-dire constatée contradictoirement par les parties.
La réception des travaux peut également être tacite, comme en cas d’abandon de chantier ou en cas de prise de possession des lieux par le maître d’ouvrage (Civ. 3e, 12 oct. 1988, n° 87-11.174, Bull. civ. III, n° 137), à condition que soit constatée sa volonté non équivoque d’accepter les travaux.
Enfin, la réception peut être judiciaire, autrement dit prononcée par le juge, qui en fixe la date. Pour ce faire, il lui appartient d’examiner les conditions d’achèvement et la qualité des travaux, notamment dans le cas où le maître d’ouvrage invoquerait des malfaçons (Civ. 3e, 10 juill. 1991, n° 89-20.327, Gaz. Pal. 1992, 1, som., p. 148, RD imm. 1992, p. 481).
Le premier effet de la réception est de transférer la garde de l’ouvrage au maître de l’ouvrage, qui se voit, alors, tenu de pourvoir à l’entretien et à la conservation de l’immeuble.
La réception couvre également tous les vices ou défauts qui n’auraient pas fait l’objet de réserves (Civ. 3e, 16 déc. 1987, no 86-15.444, D. 1988, I.R., p. 11). Ainsi, faute d’avoir été réservés à la réception, le maître d’ouvrage n’est plus fondé à reprocher à l’entreprise les désordres apparents lors de celle-ci.
Surtout, la réception constitue le point de départ des garanties des constructeurs, à savoir :
La livraison de l’immeuble intéresse, quant à elle, les rapports entre le vendeur et l’acquéreur d’un immeuble à construire, au titre de l’obligation de délivrance.
L’article 1604 du Code civil définit la livraison comme :
« le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur ».
Il s’agit donc de l’acte par lequel le vendeur va remettre l’immeuble à l’acquéreur, lui permettant ainsi d’en prendre possession. Elle se matérialise par la remise des clés à l’acquéreur.
Il s’agit d’une des obligations principales du vendeur.
C’est le contrat de vente qui précise la date à laquelle la livraison pourra intervenir.
Toutefois, celle-ci est nécessairement postérieure à la réception des travaux.
Elle peut donner lieu à l’émission de réserves, s’agissant des vices apparents qui seraient constatés lors de celle-ci.
Lorsque le contrat n’a prévu aucune procédure de livraison contradictoire, la livraison résulte de la simple mise à disposition de l’acquéreur de l’immeuble vendu.
Lorsque le contrat prévoit une livraison contradictoire des locaux ; celle-ci peut alors prendre trois formes différentes.
Tout d’abord, la livraison opère le transfert de propriété du bien concerné à l’acquéreur, qui en assume désormais la garde juridique.
Surtout, la livraison décharge le vendeur, à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de celle-ci, de la garantie des vices apparents qu’il doit à l’acquéreur et qui n’auraient pas été constatés, sous forme de réserves, dans le procès-verbal de livraison.
Autrement dit, l’acquéreur dispose d’un délai d’un mois à compter de la livraison pour dénoncer au vendeur les vices apparents, qui n’ont pas fait l’objet de réserve lors de la livraison de l’immeuble.
S’agissant des vices cachés, le vendeur est néanmoins tenu, à l’égard de l’acquéreur, des mêmes garanties décennale et biennale que celles pesant sur les constructeurs.
Isabelle BONARDI
Cabinet IB AVOCAT
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Julie K
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September 24, 2018